samedi 20 août 2016

« Échos du silence » vue par Olivia Ranger Enns

À de nombreux égards, l’exposition intitulée « Échos du Silence », qui fait connaître l’œuvre de Normand Moffat et de Bruno Tenti à la Galerie Art Plus de Sutton, nous invite à explorer comment la luminosité et la vie peuvent être captées, assimilées et célébrées... en silence.
Bruno Tenti ©

Ce mois-ci, la galerie se partage en deux espaces clairement définis : d’un côté, les tableaux abstraits de Bruno Tenti qui, d’une nuance d’ocre à une autre, se complètent tout en  s’opposant; de l’autre, les créations expressives de Normand Moffat qui, souvent avec beaucoup d’humour, jettent un regard lucide et pertinent sur les concepts constructionidentité et habitation. Les deux points de vue artistiques se démarquent carrément l’un de l’autre.  Tandis que Normand Moffat joue de la feuille d’or en la définissant d’accents d’ébène, les toiles de Bruno Tenti, si justement intitulées « Lueurs », sont un spectacle jubilatoire et une ode à la vie. Le style de Normand Moffat est cartésien, tandis que celui de Bruno Tenti est intrinsèquement organique. Dans le premier cas, l’artiste se penche sur des thèmes d’envergure, comme la manière dont l’architecture et la construction juxtaposent en les confrontant l’individu et le groupe; dans le second, la démarche est réflexion, voix intérieure. Néanmoins, le contraste entre les deux cheminements, qui peut laisser perplexe ou même, à l’occasion, sembler discordant, renvoie à une harmonie profonde.    
Dans « Lueurs », Bruno Tenti crée un monde lumineux au moyen de subtiles nuances. L’ocre et l’orange prennent vie lorsqu’on s’en approche, révélant des détails insoupçonnés. Ici, une mince figure représentant une croix, là, une palette soyeuse rehaussée de sanguine — Bruno Tenti surprend par son habileté à découvrir par la texture et la couleur une autre forme du réel. Ses outils, crayons et pinceaux recouverts d’une épaisse couche de peinture séchée, témoignent de sa démarche esthétique à la fois intrépide et audacieuse. (Les crayons et pinceaux de Bruno Tenti sont exposés à la galerie).
Normand Moffat ©

Constructum » offre une vision fascinante de l’identité et des démarcations sociales dans le monde contemporain. Comme le démontre son œuvre, la maison est un élément crucial à l’être humain : c’est un abri mais aussi le seul lieu privé auquel quiconque peut prétendre. Normand Moffat fait une critique subtile de l’étalement de la banlieue tentaculaire et propose finement des arguments qui démontrent comment les êtres humains interagissent en fonction des structures habitées. En apposant de la feuille d’or sur des motifs architecturaux, Normand Moffat fait appel à des thèmes essentiels tels la formation de groupes et les éléments qui construisent l’identité, sujets fort pertinents de nos jours. Certaines œuvres, comme celle intitulée « Je ne partirai pas » reposent sur l’introspection et le courage, tandis que d’autres sont cocasses – certains diront cyniques. Ainsi, dans « Le divorce, séparation de biens », une hache décisive tranche en deux la structure d’une habitation.

Au centre de la galerie, où se trouvait l’autel de l’église, domine une série de petits formats que Normand Moffat a intitulée « Scriptorium ». Chaque pièce, d’inspiration profondément religieuse, participe à la juxtaposition de surfaces noires et or. Les thèmes ici vont de la douleur à la foi en passant par la création, le temps et le silence. En rendant hommage aux moines qui consacrent leur vie à Dieu, Normand Moffat jette chaque fois un regard pur et renouvelé sur la religion.

Le silence est au cœur même du travail de Bruno Tenti et de Normand Moffat : savoir trouver le sacré dans la profonde réflexion, cibler ce qui est en soi digne d’être vécu. Cette exposition, à n’en pas douter, mérite amplement son titre, car elle rend hommage au silence si précieux, que notre époque essoufflée bafoue trop souvent.

samedi 13 août 2016

Article by Olivia Ranger Enns

À la Galerie Art Plus,  la nouvelle exposition « Échos du silence », a capté l'attention de la journaliste Olivia Ranger Enns. En exclusivité, voici la version anglophone. Nous aurons sa traduction française dans quelques jours.



In many ways, the exhibit titled “Échos du Silence” featuring Normand Moffat and Bruno Tenti at Galerie Art Plus is an invitation to explore a number of ways in which luminosity and life can be captured, reflected upon and celebrated... in silence.
For this month’s display, the gallery is divided into two clearly defined spaces: one dedicated to Tenti’s works, which delve into the abstract world where shades of ochre are pitted against one another, while the other section is dominated by Moffat’s expressive, often hilarious pieces that tackle the pertinent concepts of construction, identity and housing. There are many stark differences that delineate Moffat’s and Tenti’s aesthetic viewpoints. Whereas Moffat’s artwork features gold leaf defined by black accents, Tenti’s canvases, aptly titled “Lueurs”, are a jubilant expression and testament to life. Whereas Moffat’s works are Cartesian in style, Tenti’s are inherently organic. Whereas Moffat tackles big themes addressing how architecture and construction often confront the individual to the group, Tenti seems to approach his subject matter with a reflective voice. That being said, the contrast between the two artists, though often perplexing and at times even jarring, makes profound sense.    
© Bruno Tenti

Tenti’s “Lueurs” applaud a world of light and luminosity by working with shades of subtlety. The ochre and orange coloured canvases virtually come to life when seen up close because of the amount of detail that Tenti dedicates to each artwork piece. A blotch of colour here, a thin figure representing a cross there—Tenti delights in surprising the viewer with his canny ability in uncovering elements by playing with texture and colour. The tools of his trade, pencils and paintbrushes thickly coated in dried paint, bear testament to Tenti’s aesthetic approach, which is both fearless and adventurous in spirit. (Tenti’s pencils and paintbrushes are on display as well).
On the other side, Moffat’s “Constructum” offers a fascinating outlook on identity formation and on societal demarcations in today’s era. As Moffat’s work clearly expresses, a house is an important place for any human being: it provides shelter, creates a home environment, and is the only truly private place that anyone is completely entitled to. In subtly critiquing urban sprawls and suburbs, Moffat does not shy away from making light-hearted yet reflective arguments about how human beings interact with others based on housing structures. By combining architectural blueprints in the background with gold-leaf structures in the foreground, Moffat succeeds in addressing pivotal themes such as group formation and identity forgers, both pertinent subjects in today’s time and age. Whereas some art pieces are reflective and introspective in terms of mood such as “Je ne partirais pas”, others are laugh-out-loud funny in their cynical yet distinctly humorous depictions. Take “Le divorce, separation des biens” which depicts an axe slicing decisively into a house structure.
© Normand Moffat

The center of the art gallery, which happens to also be placed at the church’s altar, is dominated by a series of small pieces made by Moffat titled “Scriptorium”. Deeply religious in nature, each piece is a beautiful juxtaposition of blacks and shades of gold that address themes ranging from grief to faith to creation to time to the legacy of silence. By paying homage to monks who dedicate their lives to God, Moffat offers a refreshing take on religion, time and time again.
Scriptorium © Normand Moffat


Silence. That is what lies at the very heart of Tenti’s and Moffat’s works: the ability to find some sacred, something special, something worthy of note in the abyss of silence and deep reflection. In many respects, this exhibition truly deserves its title because it pays homage to silence, a precious and often ill-used notion in today’s busy world.